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LES GARDIENNES

Comme elle s’en allait vers la plaine, il marcha dans la même direction, à grands pas sonores.

Francine l’entendit et, sans se retourner, eut soudain une certitude éblouissante. Elle continua d’avancer, droite, frémissante, prête à fuir. Son manège n’était pas de coquetterie, mais elle avait complètement perdu la maîtrise de sa pensée ; ce bonheur, si longtemps attendu et si proche maintenant, l’affolait comme un danger.

Il marcha plus vite et elle le sentit tout près, derrière elle. Alors elle s’arrêta et, sur son épaule, sa tête se renversa, pâle, aux yeux suppliants.

Lui, tendait la main, simplement, en bon camarade et il souriait comme un garçon faraud qui sait parler aux filles. Mais, de sentir trembler la main de Francine, il fut troublé, lui aussi, beaucoup plus qu’il n’avait prévu. Il ne trouva plus ce qu’il s’était proposé de dire, ni remerciements, ni plaisanteries, ni compliments galants.

— Bonjour, mademoiselle Francine !

— Bonjour, monsieur Georges !

lis échangèrent d’humbles paroles. Puis ils marchèrent côte à côte, lentement, et Georges finit par reprendre un peu d’assurance.

— Francine, dit-il, je voudrais que vous sachiez toute la joie que m’ont apportée vos lettres quand je combattais à l’armée. Vos lettres, Francine, ne ressemblaient point aux autres.

Elle ne répondit pas ; elle avançait dans son rêve.

Il continua :

— J’ai reçu aussi beaucoup de choses venant je