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LES GARDIENNES

Francine préparait ses envois le dimanche, au Marais, loin des yeux de tous, ou bien dans quelque recoin du fenil, lorsqu’elle était sûre de n’être pas dérangée. Elle y mettait des soins infinis. Pour l’adresse, il lui plaisait toujours de contrefaire son écriture. Georges, d’ailleurs, ne s’y laissait pas prendre ; plusieurs fois, il envoya des remerciements, protesta contre les dépenses qu’elle faisait pour lui. Pour se défendre, elle déclara ne pas comprendre et qu’elle n’était pas seule capable de générosité envers un soldat combattant.

Elle fit des achats importants qui absorbèrent une bonne part de l’argent qu’elle gagnait.

Par prudence, elle avait, dès le début, laissé entendre à Georges que les lettres qu’il lui envoyait pouvaient être vues au Paridier ou à la Cabane, pouvaient être reçues par une autre personne qu’elle-même. Il avait bien voulu changer, lui aussi, son écriture.

Ces lettres de Georges apportaient toujours la joie, une joie moins grande cependant que celle de répondre. Pour Francine, il était plus émouvant de donner que de recevoir.

Le printemps commença. Déjà de terribles combats étaient engagés sur le terrain français ; les Américains montaient vers les lignes. Les journaux étaient pleins de récits glorieux et épouvantables et les gens, encore une fois, plongés dans une atroce angoisse.

Francine, chaque dimanche, allait à l’église et priait longuement pour Georges. Chaque soir et