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LES GARDIENNES

Elle en vint à perdre quelque peu son bon sens. Georges reçut d’elle des lettres curieuses, telles qu’une mère eût pu en écrire à son fils. Elle lui donnait des conseils de prudence, lui signalait ingénument comme nouveautés des précautions connues de tous les soldats et ne manquait point de lui rapporter les propos encourageants des journalistes, les prédictions annonçant la fin de la guerre — prédictions toujours démenties, mais qu’elle prenait pour bon argent.

Il reçut d’elle, également, des conseils pour conserver sa santé, éviter les rhumes et les mauvaises fièvres.

Enfin, élle lui envoya encore plusieurs colis. De ce plaisir secret elle ne pouvait se priver ; tout le monde autour d’elle, n’en faisait-il pas autant ?

Maintenant, elle préparait elle-même ces colis ; grosse affaire, à laquelle, longtemps à l’avance, il fallait songer. Non sans peine, elle rassemblait, dans la boîte où elle cachait ses papiers, à la Cabane, toutes les choses qu’elle voulait offrir. Elle finissait par en avoir trop et devait choisir. Alors, elle faisait des envois un peu surprenants où des choses inutiles occupaient la plus grande place. Elle donnait avec allégresse de menus objets auxquels elle tenait beaucoup, qu’elle avait emportés dans sa boîte à chaque changement de condition depuis son jeune âge. C’est ainsi que Georges reçut un petit mouchoir brodé, un dé fort usagé où l’aiguille avait percé des trous et même des fleurs sèches qui tombèrent aussitôt en poussière entre ses doigts.