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LES GARDIENNES

manquait pas, venaient parfois rôder par groupes. autour du cantonnement, Des promenades au Marais s’organisèrent ; il y eut aussi des bals elandestins.

Cela fit causer. Les mères, accablées de deuils, accablées de fatigue et d’inquiétude, les mères dont les derniers fils combattaient, furent choquées et murmurèrent contre la joyeuse insouciance de ces hommes robustes et inoccupés. Les hardies danseuses, montrées du doigt, n’osèrent plus s’aventurer au bras des soldats ; les bals cessèrent, interdits du reste par les chefs américains eux-mêmes. Mais les entreprises galantes ne cessèrent point en même temps. Des liaisons s’établirent, quelques-unes avouées, entre des soldats honnêtes garçons et des filles libres dans leurs amitiés. Plusieurs mariages furent décidés ; il est vrai que tous n’eurent point lieu, mais la faute n’en revint pas toujours aux étrangers ; deux maraîchines de Saint-Jean menèrent l’aventure jusqu’au bout et, la guerre terminée, passèrent l’océan pour aller vivre en ce fabuleux pays d’Amérique.

D’autres liaisons, condamnables celles-ci, demeuraient secrètes, du moins, en apparence. Elles furent assez rares au village même de Sérigny.

Les Américains étaient accueillis à peu près chez tous. Aimables, bons enfants et payant largement, ils donnaient au pays une vie nouvelle. Il fallait bien, d’ailleurs, passer sur quelques petits inconvénients : on ne pouvait fermer sa porte à ces jeunes hommes qui venaient de si loin au secours des