Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
LES GARDIENNES

permission, au mois de décembre, il eut la joie de trouver son étable mieux garnie qu’au départ et sa grange remplie. Une autre joie l’attendait, plus forte encore. Léa lui avait préparé en cachette une grande surprise : elle avait négocié pendant son absence, l’achat d’une parcelle de Marais touchant au paradis de la Motte-Fagnoux — un paradis, encore, entouré de jeunes peupliers et plantés d’arbres fruitiers bien croissants. Avant la guerre, Norbert, plus d’une fois, avait guigné cette parcelle ; pour en prendre possession, il n’eut qu’à poser sa signature au bas d’un acte et l’argent pour payer ne lui fit nullement défaut.

— Il y a encore un autre marais à côté de celui-ci, disait Léa, et je pense qu’il se vendra également. Lorsque tu reviendras pour tout de bon — ce sera la prochaine fois — j’espère te l’offrir comme cadeau de bienvenue.

Le grand Norbert prit les mains de sa femme, de petites mains très dures que les besognes viriles avaient couvertes de cicatrices et il faillit pleurer.

Il était arrivé de l’armée, cette fois, avec de mauvaises idées, désespéré par la longueur imprévue de la guerre. Il repartit plus brave et plus confiant qu’aux premiers jours.

Il n’avait point trouvé bonne mine à sa femme, mais elle s’était si bien ingéniée à le rassurer qu’il avait été dupe.

Deux jours après son départ, Léa dut s’aliter, prise de fièvre, avec un grand mal de poitrine qui lui faisait cracher du sang.