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LES GARDIENNES

sumait d’impatience. Très vite, le moment venait où elle n’y pouvait plus tenir. Alors elle faisait manger le bonhomme, lui préparait un bon feu, mettait à portée de sa main tout ce qui pouvait lui être nécessaire ; puis, elle s’en allait. Et le père Claude pouvait tempêter, jurer ou bien gémir sur ses malheurs, le résultat était le même : il restait seul au coin de la cheminée, à moins que Maxime ne vînt rôder par là.

La Misangère courait d’abord au Paridier : les affaires du Paridier étaient son plus gros souci. Elle se présentait à la ferme inopinément, à des heures très variables ; ses regards, dès le seuil, scrutaient toute chose et fouettaient les gens. Elle entrait sans crier gare dans la chambre de Solange, ouvrait les armoires, fouillait partout. Ensuite elle allait aux écuries où les bêtes étaient examinées l’une après l’autre. Christophe, alors, ne chantait pas haut ! Pourtant la Misangère savait l’encourager quand il fallait.

Avant de quitter la ferme, en peu de mots, elle donnait ses ordres pour le lendemain.

Solange, depuis son aventure avec le soldat auxiliaire, ne bronchait plus en présence de sa mère ; elle se contentait de prendre un petit air détaché et de résister sournoisement.

Vers Noël, la Misangère décida de vendre deux bœufs ; un peu plus tard, trois porcs gras. Dans l’impossibilité de mener les bêtes à la foire, elle fit prévenir les marchands. Ce fut avec elle qu’ils traitèrent et, quand elle eut l’argent, elle en plaça une