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LES GARDIENNES

Leurs regards, encore une fois, se croisèrent ; une sorte de supplication muette passa dans leurs yeux en même temps, élargissant les prunelles bleues de Marguerite, et, dans celles de Francine, soulevant une houle dorée. Puis, les larmes noyèrent tout.

Francine essaya pourtant de se ressaisir.

— Tu n’as pas regardé la broche que je t’ai apportée ! dit-elle. J’aurais voulu trouver mieux… Non ! elle n’est pas bien belle !… Le temps me manquait pour choisir et puis, figure-toi, je n’avais plus de monnaie…

Sa voix se perdit comme une pauvre petite chose indifférente.

Marguerite n’écoutait pas ; ses larmes coulaient avec abondance ; cela soulageait, cela simplifiait… Marguerite laissait voir son âme bien au clair ; entre deux sanglots, elle jeta, dans un eri :

— À moi, il n’écrit plus jamais !

Elle se laissa choir sur une chaise devant la table, pleura tout haut, la tête cachée entre ses bras. Elle répétait, entre ses sanglots, entre ses hoquets :

— À moi, il n’écrit plus ! Il ne m’a pas écrit depuis deux mois !… Que lui ai-je fait ?

Puis, reprenant les paroles de son frère :

— Moi qui travaillais tant ! de si bon cœur !… pour lui ! C’était bien la peine !… bien la peine !…

Dans sa main crispée, elle tenait la petite boîte que lui avait donnée Francine ; sans lever la tête elle làcha cette boîte, la repoussa sur la table et la broche vint rouler à terre. Francine, d’un mouvement machinal, la ramassa.