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LES GARDIENNES

C’est le courage qui est parti tout d’un coup… Pour lâcher à présent, ce n’était pas la peine de faire ce que nous avons fait depuis deux ans !… Il y a deux ans, nous n’avions ni force ni adresse et personne ne nous croyait capables de tenir la boulangerie… Nous n’avons pas fléchi, cependant ! C’était bien la peine !

Une quinte de toux lui coupa la parole. Francine intervint avec autorité, comme une personne d’expérience.

— Je trouve, dit-elle, que vous n’avez pas grosse mine l’un et l’autre… Moi, je n’ai rien à faire ce soir… je vais donc mettre un peu d’ordre par ici et vous vous reposerez un moment.

Ayant fait cette offre, elle se souvint aussitôt des singulières paroles de la Misangère en pareille occasion et elle ajouta d’une voix timide :

— Si, du moins, vous le voulez bien…

Alors, Marguerite, sans répondre directement :

— Tu peux monter dans ta chambre, Lucien, et te coucher jusqu’au souper… Nous saurons nous passer de toi, maintenant.

Comme il hésitait, elle insista :

— Va donc ! Tu sais que tu as une fournée demain matin, de très bonne heure.

Lucien s’en alla et les deux filles se trouvèrent face à face. Déjà Francine nouait autour de sa taille un tablier de travail ; elle dit :

— Alors, Marguerite, la santé n’est donc pas bonne ? Je te trouve l’air bien triste…

Elle continua sans attendre la réponse :