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LES GARDIENNES

à grands pas, troublée comme si elle eût commis un crime, heureuse cependant d’avoir osé cette chose difficile.

Tenant toujours dans sa main les huit francs qui lui restaient, elle songea bientôt à les employer pour autrui. Puisqu’elle s’était engagée en dépense, autant valait aller jusqu’au bout et que cette jouruée fût tout à fait mémorable. Et c’était pour elle un plaisir si nouveau que de faire un cadeau à quelqu’un ! Elle eût souhaité avoir des amis innombrables et dépenser une fortune pour eux. Mais elle ne possédait que huit francs d’argent et ses amis étaient faciles à compter !

Comment ses cadeaux seraient-ils acceptés ? Elle n’y voulut pas songer ; elle était en un jour de bravoure et de facile réussite.

Elle acheta d’abord un jouet pour l’enfant de Solange ; c’était un bébé, gentil comme tous les bébés et personne ne pourrait reprocher à Francine de lui offrir un cadeau.

Il n’en allait pas tout à fait de même pour Maxime. Cependant Francine pensait à lui ; elle l’aimait presque ce garnement ! Parmi les heures monotones de labeur il mettait un peu de gaieté ; comment se tenir grave devant lui lorsqu’il disait, dressé sur ses argots et la voix avantageuse : ;

— Chambrière ! écoute mon commandement !

Et puis, quand il était seul avec elle, il parlait souvent de Georges, de l’oncle Georges avec qui l’on faisait au Marais de si belles parties.

Francine acheta pour Maxime six gros hameçons