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LES GARDIENNES

La porte, lentement, s’ouvrit sur le soleil.

Le brouillard venait de disparaître et, sur la place, devant l’Hospice, la lumière tombait comme une bénédiction.

Deux heures sonnèrent ; il restait encore du temps avant le départ du train. Francine redescendit vers le centre de la ville où se trouvaient les belles rues et les magasins tentateurs.

Elle ne remarquait rien, d’ailleurs, autour d’elle, regardait sans voir et ses oreilles aussi ne lui servaient point. Traversant un carrefour, elle faillit être heurtée par une voiture et dut courir, poursuivie par les quolibeis d’un cocher à grosse voix. Cela la réveilla ; pour un bien petit moment !… Elle palpa sa bourse qui battait sur sa jambe, et puis repartit encore en songerie de belle aventure.

Les grands événements de ce jour l’avaient un peu étourdie. L’air qu’elle respirait lui semblait avoir un goût inconnu et elle avançait dans une douceur souveraine comme si la lumière tiède du jour l’eût pénétrée. Elle ne souriait pas, paraissait grave plutôt, mais son cœur s’épanouissait en sa poitrine, fondait comme un fruit.

Son mariage lui semblait chose certaine et proche. Son mariage ! Elle n’eût osé, la veille, y penser qu’en tremblant et voilà qu’en cette journée elle l’avait annoncé deux fois ! Tout était facile et nouveau : elle n’apercevait aucune embûche, ne prévoyait aucune hésitation de Georges, aucune résistance de la famille ; elle ne songeait même pas aux dangers de la guerre !