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LES GARDIENNES

Le temps se maintint beau durant toute la semaine et l’on poussa le travail. Les trois hommes, certes, ne risquaient point leur santé ; s’il leur arrivait de s’échauffer un peu le sang, c’était bien par surprise. Néanmoins, la Misangère ne les prit jamais à rebours, les flattant au contraire et leur servant du vin. À la ferme, les labours furent bien avancés ; à la Cabane, le samedi, on rentra les derniers fourrages.

Ce jour-là, le soldat ancien blessé était resté avec Christophe au Paridier ; la Misangère, en effet, ne se souciait pas de le voir avec Maxime, à cause de son hardi langage. Il se plaisait d’ailleurs à la ferme et ne le cachait point, adressant à Francine et surtout à Solange des compliments directs.

La Misangère, méfiante, ne le perdait jamais de vue bien longtemps. Dans l’après-midi, elle revint de la Cabane inopinément. Dans la cour de la ferme, elle trouva les bêtes attelées sur l’areau : l’homme avait abandonné son travail ou bien ne l’avait pas encore commencé. On l’entendait rire dans la maison. La Misangère entra et Solange en fut grandement honteuse car elle se tenait non loin de l’homme qui la taquinait. Le galant, au contraire, ne se montra pas gêné : attablé devant une bouteille, l’œil luisant, il se prit à tourner un compliment faraud :

— Hé ! hé !… ma bonne vieille…

Il n’acheva point et ne tint pas longtemps la crête si haut : la Misangère lui avait mis une main sur l’épaule et de l’autre, qui tenait un bâton, elle lui montrait la porte.