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LES GARDIENNES

lait. À la caserne, un vieil officier grognon la reçut d’abord fort mal ; elle lui tint tête et il finit par lui promettre d’envoyer trois hommes pendant une semaine. Plus tard, peut-être pourrait-elle obtenir une autre équipe pour une période un peu plus longue,

Les trois militaires arrivèrent le jundi suivant : deux de bon matin, le troisième, peu avant midi. Ce dernier se présentait mal : gras jeune homme à la moustache retroussée et aux mains sales ornées de bagues. Il avait un peu bu et parlait laidement, comme un débauché. Tout de suite, il conta qu’il avait été blessé au début de la guerre ; maintenant, ayant, disait-il, payé sa dette, il se moquait de tout et n’en craignait pas un. Les deux autres, pauvres de gloire, l’écoutaient poliment.

Il en coûta à la Misangère de l’accueillir aussi bien que les deux premiers ; elle le fit cependant. Elle avait conçu ce plan rusé d’obtenir de ces hommes, par douceur et gâteries, ce qu’elle exigeait rudement des autres ; pendant huit jours on pouvait jouer cette comédie.

Elle plaisanta même un peu avec le garçon hâbleur, Lui, bien vite, en abusa. Le soir du premier jour, ayant à interpeller la patronne, il cria :

— Hé ! la vieille !… :

Elle eut un sursaut mais se domina et répondit, Ce garçon qui lui déplaisait et ne lui inspirait nullement confiance, elle l’emmena coucher à Château-Gallé, sous prétexte de l’installer bien à l’aise ; les deux autres restèrent au Paridier où l’on avait dressé un lit dans le quéreux aux valets.