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LES GARDIENNES

l’emmena et le mit à l’œuvre entre Francine et Léa. Il travailla jusqu’à la nuit ; ce fut tout, par exemple, car on ne le revit plus dans ces parages.

La grosse affaire et la plus inquétante était la préparation de la terre pour les céréales d’hiver. Christophe, l’année précédente, avait à peine essayé de labourer ; pour l’habituer et aussi pour prendre un peu d’avance, la Misangère le mit à la charrue dès la fin d’août, par petits moments. Mais le garçon était maladroit et flâneur ; abandonné à lui-même au milieu des champs, il levait volontiers la tête dans la direction des vols d’alouettes. Alors la Misangère acheta une autre charrue et emmena Francine au labour ; toutes les deux s’exercèrent en terrain facile. Malgré leur zèle, les résultats ne furent pas très bons.

La Misangère s’énervait, perdait parfois la maîtrise de ses paroles et de ses gestes. Un jour, au Paridier, Solange ayant parlé une fois de plus de vendre une partie de ses bêtes et de ne point emblaver, elle marcha sur elle et lui tordit les poignets en lui criant des injures. Elle l’eût battue !

Une idée finit par s’imposer à son esprit, une idée ancienne, déjà, et qui, bien des fois, lui avait trotté en tête mais qu’elle avait toujours repoussée à cause de la faiblesse inquiétante de Solange : elle se décida à demander, pour quelques jours, une équipe de soldats auxiliaires.

Un matin donc, ayant chargé Maxime de venir à Château-Gallé tenir compagnie à son grand-père, elle s’en alla vers la ville, munie des papiers qu’il fal-