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LES GARDIENNES

Il fallut le transporter à Château-Gallé, et quand, après les secousses du voyage, il se trouva bien installé dans son lit, la tête soutenue par des coussins, il dit encore, afin que cela ne tombât point en oubli :

— Hortense, c’est ta faute !

Dès lors, une vie terrible commença pour la Misangère. La nuit, elle ne dormait pas, harcelée à tout moment par le vieillard radoteur. Le jour, elle se brûlait le sang… À la Cabane, les derniers fourrages n’étaient pas récoltés ni les légumes ; Léa, de nouveau, toussait ; Maxime vagabondait, échappant à toute surveillance. Au Paridier, il fallait arracher les pommes de terre, recueillir les trèfles et les luzernes porte-graines ; bientôt ce serait le temps des betteraves et surtout des labours, des semailles. Àla boulangerie, les enfants Ravisé avaient dû payer deux amendes coup sur coup et Marguerite tenait des propos découragés.

Son blessé soigné, la Misangère, souvent, l’abandonnait, malgré ses plaintes et ses malédictions. Elle courait d’un endroit à l’autre, travaillait violemment, commandait, grondait, bousculait tout le monde.

Il ne fallait pas compter trouver le moindre journalier ; la vieille femme que l’on avait embauchée pour la fenaison était occupée ailleurs.

La fermière des Alleuds offrit l’aide de sa servante pour l’arrachage des pommes de terre : on accepta. La Misangère eût embauché le diable. Un jour, au Marais, surprenant le Grenouillaud à la pêche, elle