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LES GARDIENNES

t’entêtes à ne pas manger. Viens donc à la maison !

Elle l’emmena dans la cuisine et lui servit un bol de café avec un bon coup d’eau-de-vie. Il avala le tout en s’efforçant.

— Cela va mieux, n’est-ce pas ? demanda-elle.

Il répondit tout de suite, pour montrer sa bonne volonté :

— Oui… je crois que cela ira mieux. Beaucoup mieux.

Mais il n’en revint pas moins à sa place près de la machine. Alors, comme les choses se gâtaient sur le pailler, elle le commanda directement, devant tout le monde. Il n’osa point se rebeller et, comme un vieux limonier bien dressé, prit la direction qu’elle lui montrait.

Un quart d’heure plus tard, la Misangère vint au pied des échelles ; un peu inquiète malgré tout, elle fit monter du vin aux dresseurs de pailler. Le père Claude ne voulut point boire ; il travaillait sans parler, machinalement, comme étourdi. Et, soudain, il lâcha sa fourche, tomba à genoux sur la paille juste au bord de la meule. Il avait saisi la montant d’une échelle qui se trouvait à sa portée, mais ses mains s’ouvrirent et il glissa jusqu’à terre, assez mollement, passant par miracle à côté d’une fourche imprudemment dressée qui l’eût blessé à mort.

Quand il revint à lui, un peu plus tard, couché sur un lit, dans la chambre de Solange, le bonhomme se prit à gémir. La paille qui se trouvait en bas avait sans doute amorti la chute, mais il n’en était