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LES GARDIENNES

-même ressentait assez souvent pareil malaise. Ses paroles se firent moins rudes ; encore fermes cependant et ne demandant point réplique.

— Pourquoi, aussi, n’as-tu pas davantage mangé ? Appuie-toi sur mon bras et marchons : la fraîcheur du matin réveillera notre sang… Il ne faut pas traîner en route car la journée sera longue.

Lorsqu’ils arrivèrent à la ferme, le moteur ronflait déjà ; dès que les voisins furent présents, le travail commença.

Il y avait trois hommes sur le pailler, deux anciens de Sérigny et un soldat auxiliaire qui semblait fort embarrassé de sa fourche. Dans la matinée, lorsqu’on eut posé les échelles, il devint clair que la besogne marchait fort mal de ce côté. La Misangère s’approcha de Claude qui levait les balles ; elle lui dit :

— Va prendre la fourche de ce failli bourgadin qui ne sait rien faire… Lui, nous l’occuperons ailleurs.

Le bonhomme — jadis fin dresseur de pailler cependant — fit la sourde oreille. La Misangère s’impatienta :

— Ne vois-tu pas que tout va s’écrouler avant qu’il soit midi ?

Il tourna vers elle sa face grise aux yeux pleins d’inquiétude.

— Si fait ! dit-il, je le vois depuis un moment… mais cette place, là-haut, ne me tente pas aujourd’hui… Je ne suis pas trop bien, Hortense !

— C’est que tu es faible, répliqua-t-elle ; tu