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LES GARDIENNES

— Après tout, je ne suis pas une fille si méprisable… Le jour de mes noces, j’apporterai plus d’argent que certaines glorieuses de par ici.

Et elle frédonnait sur le siège de sa lieuse malgré les soubresauts qui lui déerochaient l’estomac.

Dès que les blés furent coupés, le battage commença : et ce fut une fièvre encore bien plus grande.

Les machines ne manquaient pas ; des entrepreneurs avaient des batteuses à vapeur, d’autres de petits moteurs à essence ; dans plus d’une ferme, les manèges à chevaux demeuraient en place. Mais le charbon était fort rare, l’essence introuvable, et tous les bons chevaux à l’armée. Enfin, pour ce travail, plus encore que pour la moisson, l’absence d’hommes vigoureux se faisait cruellement sentir.

L’armée envoya des équipes de soldats auxiliaires ou de blessés convalescents momentanément inaptes à la guerre. Équipes composées de façon bizarre, où l’on trouvait des prêtres, des commis, des ouvriers de ville et quelques rares paysans ; ceux-ci, d’assez mauvaise volonté, du reste, car ils auraient préféré battre leur propre récolte. Tous ces gens habitués, dans les garnisons d’arrière, à ne point brûler leur sang aux besognes secondes de l’armée, incapables, d’ailleurs, ou très faibles, n’apportèrent point une aide aussi efficace qu’on l’avait espéré.

Plus que jamais, les femmes et les vieillards durent donner leur plein effort. Chacun se mit à l’œuvre ; de la nécessité naquit l’entr’aide. Le Marais vint au secours de la plaine ; des gens qui ne