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LES GARDIENNES

d’en venir à bout. Chez les Candé, la lieuse du Paridier fit le travail presque en entier ; on aida aussi la fermière des Alleuds, chez qui se trouvait Pourtant Antoine, le mauvais valet.

Pour tout cela, la Misangère empêcha Solange d’accepter paiement. Ce n’est pas qu’elle fût très pitoyable ni qu’elle eût réputation de prodigalité ; bien au contraire ! en d’autres occasions elle s’était fait payer raide et elle n’était point femme avec qui l’on pôt réussir de très bons marchés. Mais, cette fois, l’aide qu’elle avait apportée lui semblait chose juste, chose due, pour laquelle des remerciements même ne s’imposaient pas. À la fermière des Alleuds qui, devant elle et des billets en main, priait Solange de faire son compte, elle dit :

— Ce que nous avons fait, nous ne l’avons pas fait pour vous ; nous l’avons fait pour sauver le pain de tout le monde. En pareille occasion, vous devriez agir de même.

Et comme l’autre, fiérote et d’esprit un peu court, insistait, la Misangère brisa sec.

Si bien que Francine en profita. La fermière lui offrit en cadeau une douzaine de mouchoirs, plus un tablier brodé, qu’elle accepta sans trop balancer, et même avec un secret plaisir.

Car Francine depuis quelque temps, devenait avare…

Elle comptait comme jamais pauvre fille de son rang n’avait compté ; elle additionnait, multipliait, faisait la preuve. Émerveillée devant sa richesse, elle se répétait souvent :