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LES GARDIENNES

encore moins à Léa, si fragile et dont les reins avaient, plus d’une fois, causé de l’inquiétude. Restaient la Misangère et Francine. D’abord, elles moissonnèrent à tour de rôle, l’une le matin, l’autre le soir ; puis, Francine, plus souple, plus adroite aussi, occupa seule le siège.

En une semaine la récolte fut à peu près fauchée. La servante qui avait tenu bon, alors que tous les autres fléchissaient ou se montraient incapables, remonta dans l’estime de sa patronne. La Misangère se méfiait encore un peu de cette fille dont les pensées secrètes ne lui étaient pas connues, mais enfin, toute autre servante n’eût-elle pas été pareillement cause de soucis ? Celle-ei, du moins, se montrait pleine de bonne volonté et grande travailleuse. Depuis quelque temps, elle semblait même animée d’une ardeur nouvelle ; on la voyait se maintenir en joie malgré les besognes les plus dures et il n’était pas rare de surprendre sur ses lèvres un refrain de bonne chanson. Done, malgré Solange, la Misangère ne songeait nullement pour l’instant à la renvoyer du Paridier où elle rendait de si grands services. Elle se contentait de la surveiller et, assez souvent, de mettre à l’épreuve sa docilité.

C’est ainsi qu’elle l’envoya moissonner chez des voisines. Le travail de récolte, en effet, ne se faisait point partout aussi rondement qu’au Paridier : de beaux blés restaient sur pied, rouillaient sous les averses et menaçaient de s’égrener. Francine alla donc, avec sa machine et ses bêtes, prèter main-forte à de pauvres femmes qui désespéraient