Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
LES GARDIENNES

étendue, qu’il eût mieux valu laisser la moitié des terres en friche et cultiver soigneusement l’autre moitié, sans se bousculer ainsi.

La Misangère poussait rudement ces faibles.

— Possible, disait-elle, que vous aimeriez mieux vous reposer, mais gardez cela pour vous : vos raisons ne me touchent guère !

Et encore :

— Je ne veux pas savoir si le bénéfice eût été plus grand ; il n’est pas question de bénéfice, aujourd’hui. Je dis qu’il faut semer tant qu’il y a de la terre !… et que notre récolte ne doit pas pourrir dans les champs !

Comme elle se buttait contre leur dolente obstination, elle passa outre, très vite. La machine fut, par elle, commandée à un marchand de la ville qui l’amena un beau matin de juillet, juste à temps, alors que Solange et son père, croyant avoir cause gagnée, n’y pensaient plus. Il fallut bien, alors, payer le marchand ; n’osant se rebeller Solange se lamentait :

— li ne me reste plus d’argent !

— Tu avais besoin d’une lieuse, répondait sa mère, non d’argent !

— Et Clovis, que dira-t-il ? Il n’avait pas commandé de faire cet achat.

Alors la Misangère :

— Tais-toi ! Cet achat, c’est moi qui l’ai fait je prends la chose sur moi… Quand ton mari reviendra, s’il n’est pas content, il me trouvera ici pour lui répondre.