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LES GARDIENNES

chez beaucoup dominait l’orgueil de la tâche durement accomplie. La Misangère, devant cette plaine que les absents trouveraient, au retour, plus belle et plus exactement cultivée, pensait haut et d’autres comme elle.

Les mois d’été furent un temps d’écrasant labeur, car il fallait avec soin recueillir les richesses de la terre.

La Misangère, encore une fois, dut imposer sa volonté. Claude s’avouant de plus en plus faible et fatigué, on ne pouvait songer à moissonner à la faux ; même avec une moissonneuse ordinaire on n’en finirait jamais. La Misangère proposa d’acheter une lieuse. Or, les machines de cette sorte, venant d’Amérique, coûtaient fort cher bien que le gouvernement vint en aide aux acheteurs. Solange refusa de faire un aussi gros débours. Elle mit en avant qu’elle n’avait pas l’autorisation de son mari, qu’il la blâmerait au retour et, qu’enfin, on se passerait fort bien de cette machine quand les hommes seraient revenus. L’argent, pourtant, ne lui manquait pas, mais, comme rien n’annonçait la fin prochaine de la guerre, elle gardait toujours son idée de se retirer si les choses se gâtaient et de vivre librement en rentière, en attendant des temps meilleurs.

Le père Claude, qui était en étonnement perpétuel devant les nouveaux prix de toute chose, estimait aussi la dépense beaucoup trop grosse. Il calculait longuement, soutenait avec Solange qu’il avait été déraisonnable d’emblaver une aussi grande