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LES GARDIENNES

du village, quelques fermes, parmi lesquelles, au levant, la ferme du Paridier.

Pour le moment, il n’est pas besoin d’en savoir davantage.


Assise sur un banc de pierre, devant sa maison, Hortense Misanger songeait. Elle avait laissé tomber sur ses genoux le tricot qui occupait ses doigts ; depuis que les travaux de force prenaient son temps, c’est-à-dire depuis le commencement de la guerre, elle n’avait plus de goût aux menues besognes de femme.

Hortense songeait, les regards perdus au loin. Très belle autrefois, elle avait encore, à cinquante-huit ans sonnés, le front lisse et un teint mat sur lequel le hâle ne mordait pas. En un pays où les femmes négligent assez vite leur toilette, on la citait toujours pour sa belle tenue. On parlait d’elle avec respect.

Quelque temps avant la guerre, lorsque le gendre des Misanger avait pris à son compte la ferme de ses beaux-parents, ceux-ci s’étaient retirés sur leur bien de Château-Gallé. Ils avaient là une maison, un jardin, un pré dont ils vendaient le foin et cinq ou six boisselées de plaine : autant qu’il en fallait pour les occuper, car, si Hortense restait jeune de tournure et de volonté, il en allait autrement pour Misanger. Elle, pour tout le monde, demeurait la Grande Hortense ; lui, n’était plus que le père Claude. Cela marquait une grosse différence.

Le père Claude eût aimé se reposer. Or, par ces