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LES GARDIENNES

Revenant sur ses pas, elle prit place sur un des bateaux de la Cabane. Elle savait un peu conduire, maintenant ; sans trop de peine, elle gagna la conche Saint-Jean, tourna au premier fossé et alla aborder dans un pré planté d’arbres fruitiers, dans un paradis, pour appeler les choses par leur vrai nom.

Quand elle fut bien installée, à l’ombre d’un pommier, sous les branches retombantes, elle sortit la lettre et sourit en voyant son nom sur l’enveloppe.

C’était la première fois qu’on lui écrivait ainsi ; les lettres envoyées par les employés de l’Assistance ne comptaient pas, chaque pupille en recevant de semblables.

Elle tenait entre ses doigts une merveilleuse chose nouvelle. Pour la première fois de sa vie, elle recevait une lettre personnelle ! Quelqu’un, sans y être nullement obligé, avait pris ce soin de tracer pour elle ces lignes aimables ! Il y avait donc, à présent, sur la terre, une personne qui pensait à elle, qui se confiait à elle, qui lui disait ses peines, qui semblait l’inviter à les partager ; au loin, parmi de terribles dangers, une personne vivait pour laquelle elle avait le droit de trembler.

Et cette personne, c’était Georges Misanger, le jeune maraîchin à figure claire !

Elle relisait la lettre, la récitait, faisait sonner chaque mot comme un beau louis d’or ; ses mains caressaient le pauvre papier.

Après sa signature, Georges n’avait point oublié d’indiquer exactement son adresse ; il ne se doutait