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LES GARDIENNES

rire indulgent. Là-dessus, la Misangère se mit fort en colère et fit des observations blessantes,

La servante, les bras ballants, écoutait ces bruits ; ils passaient à côté d’elle, rebondissaient sur sa joie sans l’entamer. Et ses yeux gardaient toute leur lumière.

Alors, la Misangère se tut. Pour la première fois, elle jugea Francine insolente ; elle pensa que cette fille, en apparence si soumise, avait des défauts cachés, de très gros défauts, peut-être. Il fallait la surveiller et, s’il en était besoin, lui serrer la bride, fortement.


Aux belles heures de l’après-midi, Francine demanda poliment à Léa, la permission de sortir un peu.

— Tu veux aller chez Marguerite ?

— Je ne sais pas… peut-être non !

Francine ne désirait point aller à ia boulangerie. Elle avait fait toilette, toilette simple mais pimpante : corsage de cotonnade claire, tabliers à festons, souliers légers. Devant son miroir, elle avait essayé de donner à sa coiffure un tour nouveau ; comme ses cheveux étaient abondants et très beaux, du premier coup, elle n’avait pas mal réussi.

Le long du canal, elle chercha un coin d’ombre où il ferait bon s’asseoir et songer. Mais les pêcheurs étaient nombreux à cette lisière du Marais ; comme d’habitude, il en était venu de fort loin, même de la ville. Quelques-uns, qui ne prenaient rien, se promenaient ou s’ébattaient avec leur famille. Ce voisinage semblait fort gênant à Francine.