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LES GARDIENNES

Francine ne pleurait point, ne soupirait même point.

Les choses se passaient ainsi, il ne pouvait en être autrement… Les gens de ce pays, pourquoi se les imaginer différents de ceux qu’elle avait déjà connus ? Ils n’étaient pas plus méchants que d’autres, ni meilleurs. On ne lui avait fait aucune promesse, après tout !…

Sa patronne lui avait, parfois, témoigné de la sympathie ; maintenant elle lui parlait mal : quoi de plus naturel ?

Un garçon lui avait adressé quelques paroles, plaisantes à écouter : c’était fort bien ! elle devait s’en trouver contente, ne pas rêver davantage, ne pas prendre ces marques de politesse et de naturelle bonté pour un engagement éternel d’amitié.

Un pauvre sourire résigné flotta sur ses lèvres. Elle quitterait ce pays… Encore une fois, elle s’en irait à la recherche de nouveaux visages… de nouveaux visages indifférents… Cela devait se produire un jour ou l’autre ; ce serait bientôt, sans doute.

Elle songea :

— Je m’en irai dès que je le voudrai. Moi, je puis changer de pays quand il me plaît, changer de travail, voir des choses inconnues ; c’est une chance que beaucoup n’ont pas.

Elle songea encore qu’elle atteindrait ses vingt et un ans bientôt, qu’elle ne serait plus pupille de l’Assistance et qu’elle aurait à s’occuper elle-même de ses affaires.

Elle se dirigerait seule… seule par le monde.