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LES GARDIENNES

un colis renfermant des mets substantiels, souvent même des gâteries.

Seule à la maison avec son enfant, pendant que les autres étaient aux champs, elle avait parfois le temps de songer.

Quand elle travaillait, devant sa fenêtre ouverte sur le beau temps, quelle que fût son application, elle voyait toujours bien les passants qui suivaient la route, à l’extrémité de la cour et, quand des hommes, de loin, la saluaient, elle leur répondait aimablement d’une voix sonore et riche.

Un jour qu’elle jetait du blé à ses poules, devant la maison, un gendarme, nouveau venu dans le pays, lui fit de dures observations ; il alla même regarder vers la porcherie et, là encore, il trouva du grain. Alors, il sortit de sa sacoche une feuille de papier. Son devoir était d’établir procès-verbal, ce qu’il fit. Et jamais personne n’entendit parler de ce procès-verbal…

En revanche, on put voir plusieurs fois ce gendarme au Paridier. C’était un homme jeune, un peu frêle, portant lorgnon avec une jolie petite moustache et des mains blanches. Il avait souvent des renseignemenis à demander sur la situation du mari de Solange car il s’intéressait beaucoup aux prisonniers d’Allemagne, ou bien il apportait des pièces militaires concernant les frères Misanger. Mais, pour un gendarme, il avait la vue vraiment basse ou bien il était trop distrait.

Un soir, en effet, comme il passait près de la ferme, sur la route, il s’approcha de la barrière du courtil