Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
LES GARDIENNES

sortie, ce n’était pas suffisant ; Solange s’acheta à la ville un costume tout fait, taillé, c’était visible, chez les bonnes ouvrières de Paris. Comme elle était grande et d’un joli tour, ce costume, sur elle, tombait juste.

Elle dut modifier ses chemises à cause de la liberté du corsage. Puis elle songea qu’elle n’oserait pas, au pays, montrer ainsi ses épaules et sa poitrine : sa mère lui ferait honte et les femmes du village la montreraient du doigt. Elle se confectionna done une petite guimpe ; cela lui donna beaucoup de peine ! Le soir, elle passait des heures entières devant la glace, doublant, plissant, élargissant, puis rétrécissant la guimpe, sans trouver la juste mesure qui contenterait tout le monde. Le mieux, à coup sûr, eût été de porter le corsage sans y rien changer, la couturière s’y connaissant mieux que personne… la guimpe enlevée, apparaissait la poitrine, blanche, gonflée, telle enfin qu’il était vraiment eruel de la cacher toujours. Solange finit par se décider pour une guimpe sévère contre quoi les plus difficiles ne pourraient parler, mais elle se promettait de la rétrécir peu à peu et même de l’enlever aux grandes occasions.

Elle avait, bien entendu, acheté en même temps que cette robe, des bottes à haut talon dont le cuir, très fin, sentait bon. Ces bottes lui faisaient cambrer les pieds et la rondeur de ses belles jambes ressortait galamment.

Chaque semaine, elle envoyait à son mari, condamné aux travaux de représailles, chez les ennemis,