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LES GARDIENNES

des rubans de soie dont les bouelettes pendaient sur la jupe et dansaient à chaque pas.

On voyait, il faut le reconnaître, des jambes bien faites, solides comme du marbre ; d’autres, d’une chair moins serrée, laissaient se former quelques petits plis encore assez coquets ; et certaines femmes dent la figure manquait d’agréments, gagnaient à montrer ainsi leurs jambes. Mais beaucoup y perdaient ; beaucoup, jadis accortes sans doute, et croyant l’être encore, mettaient à la torture et exposaient naïvement aux yeux des gens, leurs pauvres chevilles gonflées, leurs jambes lourdes, chargées de mauvais sang.

Assez vile, cette mode gagna la campagne. Les jeunes paysannes qui allaient à la ville vendre leurs denrées ou recevoir leur allocation de guerre, voyaient aux devantures des boutiques, sur des banquettes garnies de velours, ces jolies bottes souples dont la haute tige faisait paraître le pied tout petit. Il y en avait des noires, des rouges et de tous les jaunes ; et il y en avait des grises, des bleues et même des mordorées à reflets. Avec les petites jupes assorties qui étaient exposées plus loin, cela devait faire galant effet. Ayant de bel argent en poche, les paysannes étaient tentées comme les autres ; quelques-unes achetaient.

À Sérigny, parmi ces coquettes, Solange fut une des premières. Son deuil lui fournit une triste occasion de renouveler sa toilette.

La tailleuse du village lui échancra des corsages, modifia ses jupes. Pour les dimanches et jours de