Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
LES GARDIENNES

point entendre le tumulté abominable du combat. Il regarda autour de lui, connut qu’il était déshabillé et couché sur un lit de plume, dans une chambre paisible où chaque chose lui était familière. De tièdes rayons pesaient doucement sur son front comme une main amicalement posée.

Il se souvint ; une joie ample le souleva. Vivement il sauta du lit, s’habilla et sortit dans le courtil. Il regrettait presque le temps passé à dormir, ces heures de sécurité dont il fallait avoir pleine conscience, dont il fallait extraire les jouissances simples et profondes comme on exprime le jus d’un fruit sans en rien laisser perdre.

La pensée de son deuil revint pourtant, mais son ardeur de vie submergea tout.

La Misangère, à ce moment, arrivait du Paridier ; comme elle poussait la barrière du courtil, ses yeux s’attendrirent. Haut et mince dans le cadre de la porte, son fils lui apparaissait. Il n’avait plus l’air triste ni les épaules lasses ; il était jeune, vaillant et de clair visage, tout à fait semblable à l’image qu’elle gardait en son cœur pendant les jours de séparation. Elle retrouvait véritablement son fils préféré, son Georges, le beau Georges, qui riait toujours.

Elle était revenue pour préparer son repas et elle apportait un rôti que Marguerite avait fait cuire après la fournée du matin. Le jeune homme déjeuna de bon appétit ; sa mère le servait et, debout devant la table, elle le regardait manger.

Il examina le pain qui était brun et un peu compact.