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LES GARDIENNES

un panier, oublié la veille par la Misangère ?…

Occupée à son ménage, elle avait soudain jeté le torchon qu’elle tenait, disant :

— Il faut que je me donne un coup de peigne avant de monter là-haut.

Francine qui repassait du linge de lessive avait remis son fer sur le feu, mais l’autre :

— Le panier est lourd ! Viens donc avec moi ; tu m’aideras à le porter… Et tu verras Georges que tu ne connais pas.

Francine s’était laissée prier ; puis, comme Marguerite sortait, elle s’était tout d’un coup décidée à la suivre.

Le panier — si lourd, à leur dire — ne les embarrassait pas beaucoup ; elles marchaient de plus en plus vite à mesure qu’elles apprechaient de Chàteau-Gallé. Marguerite bavardait, posait des questions et donnait elle-même les réponses ; elle riait allègrement. Francine, au contraire, ne se faisait guère entendre ; elle souriait avec l’air indulgent d’une personne à l’esprit posé qui comprend et excuse les exubérances de la jeunesse. Cependant elle était un peu plus pâle que de coutume. On lui avait tant parlé de ce Georges, depuis quelques jours, qu’elle s’était forgé de chimériques imaginations. Maintenant qu’elle le savait là, elle se sentait légère et bizarrement apeurée.

Devant le courtil des Misanger, elle s’arrêta et dit à Marguerite :

— Porte seule ton panier, maintenant ; je t’attendrai si tu ne restes pas trop longtemps.