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LES GARDIENNES

et âme, au plus noir de la souffrance et dans l’impossibilité d’arrêter longuement sa pensée sur des soucis étrangers. Maintenant, il retrouvait son chagrin et, pour la première fois, en éprouvait l’importance véritable ; une douleur aiguë le bouleversait.

Il fit effort et réussit à aborder ses parents le sourire aux lèvres, mais, la gorge serrée, il ne parla point. Après une longue étreinte, tous les trois se dirigèrent vers la maison. La Misangère appuyait sa main sur l’épaule de son fils ; le père Claude, de l’autre côté, levait la tête pour le regarder. Au seuil, les deux anciens s’effacèrent et le fils pénétra le premier dans la maison.

Au-dessus de la cheminée, en un cadre sévère, une photographie agrandie de Constant s’imposait tout de suite à la vue. La figure pâle, maigre, semblait taillée dans de la pierre et, dans l’ombre du casque, les yeux aux regards droits, dominaient. Une croix brillait, suspendue au cadre par son ruban rouge.

Georges s’arrêta devant la cheminée ; raide, les talons joints, il salua, la main au front, Et puis, il alla s’asscoir sur le banc de table et, la tête cachée dans ses bras, il se mit à sangloter tout haut, comme un enfant ; comme un enfant qu’il était encore malgré sa haute taille et malgré ses mains durcies aux terribles besognes de la guerre.

À cette même heure, Marguerite et Francine quittant la boulangerie se dirigeaient vers Château-Gallé. Marguerite ne devait-elle pas rapporter