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propre, avec ses murailles verdâtres toutes flétries, ses fenêtres à petits carreaux, ses portes basses s’ouvrant comme des gueules noires, ses toits inégaux, enchevêtrés, incurvés, bosselés et ravaudés grossièrement au fil écru des tuiles neuves. Collé au chemin Roux, il semblait sucer l’humidité des flaques qui y croupissaient. Il était tapi, à mi-butte, dans un pli de terrain sous un tout petit lambeau de ciel. Des jardins l’entouraient, plantés d’arbres tors, de vieux pommiers aux brindilles inextricables. Lugubres pendant l’hiver, ces arbres faisaient, au printemps, une ceinture candide et merveilleuse, et le pauvre village endormi sous la brume se réveillait dans la gloire.

Une douzaine de familles habitaient là ; une douzaine de familles et soixante enfants, les uns déjà grands, gagés dans les fermes, les autres écoliers par raccroc et chercheurs de pain : un vrai grouillement de misère.

Séverin et Delphine demeuraient dans la dernière maison du village, en bas, du côté de la route. C’était la plus vieille, et aussi la plus décrépite ; elle avait été inoccupée pendant deux ans, et l’on n’y faisait plus de réparations. Le toit, fléchissant comme un toit chinois, ne recouvrait qu’une pièce, une pièce très sombre où l’on pouvait faire tenir une table, une armoire et deux lits en plaçant le second en travers au pied de l’autre. Près de la porte, une petite échelle permettait de monter au grenier ; les barreaux de cette échelle avaient été frottés par tant de talons qu’ils luisaient. La porte était à deux fois, comme les portes dont on parle dans les contes.