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Il s’impatienta :

— Tu sais, ils m’embêtent, les autres ! qu’ils aillent se coucher ; je vais verrouiller la porte.

— Non ! il ne faut pas ! ils resteraient toute la nuit. Oh ! laisse-moi ! ils viennent… tiens ! écoute…

Des pas inégaux résonnaient en effet sur les pierres. Séverin et Delphine entendirent des chuchotements ; quelqu’un gratta à la porte ; brusquement les noceurs entrèrent avec du bruit et des chandelles.

La Pitaude apportait la soupe. Elle la fit manger aux mariés avec la même cuiller ; une grande fille, à demi couchée sur le lit, l’éclairait ; et toutes les amies et toutes les cousines étaient là, avec des yeux élargis de curiosité, des yeux tout en prunelles qui fouillaient Delphine et la faisaient rougir.

Autour du lit, les gars chantaient. Ils avaient changé le refrain de la noce ; ils disaient :

T’as le fricot, Pâtureau ! l’as le fricot !

Ils s’excitaient à crier ; leurs voix exaspérées heurtaient avec fracas les poutrelles noires ; cela ne faisait plus qu’une même clameur brutale. Quand la soupe fut mangée, ils s’approchèrent à leur tour pour des encouragements ; mais Pitaude les chassa :

— Allez-vous-en ! c’est assez ; faut qu’ils se reposent, à cette heure. Allez-vous-en, mes boudres !

Frédéric s’obstinait à rester ; il était arrivé le dernier en trébuchant ; maintenant, la barre du lit soutenait son grand corps ployé et, la tête plongeant, il répétait avec une gravité de connaisseur :