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— Cho là ! tu t’en iras après ; je veux faire un avant-deux avec la mariée.

— Dis donc, c’est-y toi qui payes, c’est-y toi qui commandes, à présent ? Te rangeras-tu, soulaud, sauvage ?

— Sacré tortillard de diable en feu ! m’échauffe pas la bile ! Je veux danser un avant-deux avec la mariée ; c’est pas tout ça ; tu vas me désenvelopper ton turlututu, et tout de suite ; après, tu t’en iras.

Et comme le bossu cherchait encore à s’esquiver, l’ivrogne tendit vers lui sa grande main dure de brise-mottes. Les filles, voyant que cela allait devenir vilain, s’approchèrent en sautant et entourèrent Frédéric ; quand elles l’eurent bien fait tourner, elles le poussèrent et il s’étala en jurant pendant que le bossu, hors de la grange, glapissait :

Fédéri Loriot, chien comm’ cent chenots, peau d’crapette !
Pédéri Loriot, plus bête que haut, peau d’crapaud !

Il fallut se passer de musique ; Gustinet ouvrit son couteau et siffla sur la lame un air d’avant-deux. La danse recommença, énergique. Les femmes, de la main secouaient leurs jupes ; les hommes faisaient des écarts, des appels de pieds, sautaient haut avec des cris suraigus, des « you ! » de démence.

Vers onze heures, Victorine poussa le coude du siffleur ; les autres s’arrêtèrent.

— Ils sont partis, dit-elle d’un air de mystère ; faut qu’on leur porte la soupe à l’oignon.

Pendant que la Pitaude préparait cette soupe, Gustinet mena une dernière danse-ronde.