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Le repas fini, on enleva les tables, et le musicien commença à jouer une polka. Séverin ne savait guère danser ; Delphine, au contraire, dansait bien, avec souplesse et réserve ; elle aimait surtout l’avant-deux sautillant, l’unique danse des femmes d’âge, mais elle réussissait aussi les danses à la mode. En tournant, elle regardait son marié avec des yeux tendres ; elle eut vite chaud et alla le rejoindre pour se reposer.

D’ailleurs, il fallait offrir à boire, et il était d’usage que la mariée fît, de temps en temps, le tour des invités pour forcer les récalcitrants.

Dans l’aire, les hommes en bras de chemise, jouaient aux boules. Ils avaient un litre et un verre, et Séverin veillait à ce qu’ils bussent copieusement.

Pitaud, Galloux et Auguste s’entendaient contre Frédéric ; pour le mieux berner, ils avaient imaginé de jouer des sous en même temps que des rasades ; celui qui perdait donnait des sous et buvait ; Frédéric perdait toujours. Cependant il tenait encore, car il portait le vin ; on entendait sa voix colère :

— Y a pas de jeu ! Nom de d’là ! Y a de la triche, ici ! Je ne boirai pas.

De loin, Séverin criait implacablement :

— Il boira ! Faites-le boire ! Qui perd boit !

Il buvait, et Auguste, farceur, chantait :

T’as le fricot, Jeannot !
T’as le fricot !

Ceux de la danse répondaient : « ho ! ho ! » et le refrain tournait avec les couples.

Les enfants eux-mêmes étaient fort émoustillés et