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— C’est comme moi, dit Marie, en se rapprochant ; rien n’a pu passer, ni pain, ni fricot ; j’ai tout remis dans la voiture ; mes frères vont encore dire que l’amour me coupe l’appétit, mais tant pis ! Viens-tu ?

Elles descendirent vers la place.

— As-tu un galant, aujourd’hui. Fine ? disait cette petite futée de Marie Guiret ; oh ! tu es cachottière, je le sais ; dis, je te gêne peut-être ? Moi, je n’en ai pas, mais je viens pour en trouver un… ou deux. Delphine aussi venait pour en trouver un, mais elle savait trop lequel, pour pouvoir en parler plaisamment.

Elles s’engagèrent entre deux rangées de baraques qui faisaient, au milieu de la place, comme une rue large et houleuse. Autrefois, quand elles étaient petites, elles s’étaient bien extasiées à cette foire, devant les gens qui font des tours et qui montrent des bêtes. Aujourd’hui encore, elles s’en amusaient un peu, mais, au fond d’elles-mêmes, quelque chose les inquiétait plus que les comédies.

Sur une estrade, de gros hommes, dévêtus, hurlaient entre leurs mains jointes ; une femme, demi-nue aussi, soulevait un essieu de charrette.

Les deux filles s’attardèrent autour du groupe serré des curieux ; Delphine fouilla du regard entre les blouses bleues ; Séverin n’était pas là. Il n’était pas là non plus devant les baraques où l’on tire, ni devant celles où l’on joue : où donc était-il ?

— Deux heures ! dit tout à coup Marie, qui avait une montre en argent, avec une belle chaîne. Deux