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vers le marché. Là aussi, il y avait grande presse ; les femmes se tenaient debout autour d’une petite place ; beaucoup se hâtaient de vendre, pour être libres plus tôt, mais d’autres, des vieilles, plus âpres, s’encoléraient à cause des bousculades. La Pitaude avait fixé à Delphine un prix au-dessous duquel elle ne devait pas vendre, et comme les œufs se trouvaient justement très bon marché, elle dut attendre. Elle ne ressentait pas une grande impatience, d’ailleurs, sachant bien que les jeunes gens n’arrivaient guère que dans la soirée.

Pourtant, vers midi, quand ses paniers furent vides, elle se hâta de les rapporter à l’auberge. Dans la cour, assises sur les brancards des voitures des femmes mangeaient avec des enfants autour d’elles.

— Tiens ! c’est toi, Delphine ! cria une voix jeune ; tu as vendu ?

Delphine reconnut Marie Guiret, une voisine, plus brune encore que de coutume sous la coiffe trop blanche.

— Oui, répondit-elle, j’ai fini par vendre, mais j’ai bien cru, un moment, que je serais forcée de rapporter mes œufs.

— Tu n’as pas mangé ? reprit l’autre ; fais vite, je t’attends.

Delphine tira du coffre un morceau de pain et une poire, et elle se mit à mordre à même, en écoutant son amie raconter sa matinée. Mais le pain était dur, il faisait chaud et les bouchées l’étranglaient.

— Ça ne coule pas, hein, Fine ?

— Ma foi, pas trop ! Tiens, je laisse le pain.