Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours pensé à lui ; c’est pourquoi elle n’avait pas pu écouter les autres, et c’est pourquoi elle ne les écouterait jamais ! Maintenant, elle voyait bien clair en elle. C’était pour Séverin qu’elle voulait aller à cette foire. Elle se trouverait sur son passage, et il lui parlerait, peut-être ; s’il ne parlait pas, elle resterait vieille fille, voilà !

Pour s’être ainsi décidée, elle se sentit joyeuse. Elle se mit à attendre, un peu énervée à cause des jours qui n’en finissaient pas de couler.

Enfin, un soir, elle se dit en se glissant au lit :

— C’est demain ! Dépêchons-nous de dormir. Mais elle était trop enfiévrée pour cela. La nuit d’ailleurs était moite ; la chambre avait gardé toute la chaleur du jour. Elle entendit sonner onze heures et pensa :

— Si je ne dors pas, demain je serai laide.

Elle fit le silence en elle et s’appliqua à suivre le tic tac de l’horloge qui, dans la pièce voisine, battait comme un pouls tranquille. Onze heures et demie, minuit. Tant pis ! elle ne dormirait pas. Elle rejeta les couvertures qui la brûlaient. La poitrine gonflée d’une ivresse nouvelle, elle tendit les bras dans la chambre obscure, et ses lèvres murmurèrent :

— Tu viendras, toi que j’aimais déjà quand j’étais petite, toi que j’aime depuis toujours…

— Delphine ! ho ! Delphine !

Elle se dressa vivement, demi-nue ; déjà l’heure du lever ! elle ne faisait que s’endormir ! Tout de suite elle se souvint et sourit à sa pensée.

— Debout ! et vite, pour avoir bien le temps de s’habiller.