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en revenant des vêpres. Il était d’ailleurs très laid, car il avait eu la picote, et il était resté tout grêlé — grêlé comme un crapaud, disaient, de loin, les petits polissons du pays.

Il avait hérité de sa mère une terrible avarice et une ardeur hargneuse au travail. Il poussait de l’avant comme un bœuf rouge. Ses longs bras avantageux en faisaient un moissonneur sans pareil ; mais Séverin le tenait à la fauche. Maigre, lui aussi, et plus souple, il allait aisément, surtout dans les prés secs où le dessous ne résiste pas. Il prenait plaisir à chasser l’autre devant lui.

— Prends garde à tes talons, Fédéri ! Range au bout !

Le gars rageait tout bas, jaloux de ce que le valet tondit plus ras et plaçât plus large.

Dès que le soleil montait, pour être plus à l’aise, ils laissaient leurs sabots, sortaient leur chemise de leur brayette, et hardi ! Ils travaillaient ainsi seize ou dix-sept heures par jour sans autre repos que le temps des repas et une « mérienne » d’un quart d’heure.

Le père Loriot, qui se vantait de toute chose quand il avait bu, disait le soir des jours de foire :

— Le valet de chez nous ! vous n’en avez pas de pareil ! Il est allant, le bougre ! Frédéri et lui s’en font voir ; quand je les mets de front, ça fait un fameux joug !…

Au fond, le valet et le gars ne s’aimaient guère ; mais il n’y avait rien à dire contre Séverin : il tapait dur, étant glorieux de son travail.

À la Toussaint, il resta aux Marandières pour trois