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dans l’aire, les jours de soleil. C’est qu’il n’avait pas été commode dans son temps ! Mais sa bru l’avait dressé.

Il était revenu quasi en enfance maintenant et passait toutes les journées dans son petit coin, tendant vers les bûches ses pieds nus dont la peau jaune devenait fine à force d’immobilité. De sa main droite restée libre, il s’amusait petitement, jetant du sel dans la flamme ou cassant, à même la chandelle, des morceaux de résine qu’il faisait brûler quand il était seul.

On ne lui avait pas supprimé tout à fait le tabac, à cause du monde, mais la Loriote le rationnait ; il ne fumait que le soir après la soupe. Comme il n’avait plus de dents, il fallait, pour qu’il pût tenir sa pipe, entortiller un linge au bout. Il tétait ce linge avec une gourmandise d’enfant.

Quelquefois la bru se fâchait :

— Encore une pipe ! Goulagne ! ça ne sera point ! Fédéri, couche le vieux !

Ces soirs-là, le bonhomme faisait semblant de pleurnicher, ou bien il sacrait de tout son souffle, car il n’avait plus conscience du péché.

Rude maisonnée, en somme ; on n’y riait guère. Le patron seul était jovial au retour des foires ; mais alors la bourgeoise en avait pour une semaine à gronder et à faire claquer les portes.

Frédéric, lui, s’enivrait tristement deux ou trois fois l’an, le premier jour des fêtes doubles ; mais il ne se dérangeait jamais les jours ouvriers. On ne lui connaissait pas de bonne amie, et les filles riaient de lui