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— Tu vois, dit Delphine en montrant le coffre, tu mettras tes hardes ici. Voici ta chaise et puis voici ton lit ; je l’ai brassé bien mou, et il en avait besoin : personne n’y couchait depuis le départ d’Étienne, l’autre amoureux de Marichette.

Évitant une bourrade de son frère, elle ajouta avec une volonté bien évidente de taquinerie :

— Non, non, ce n’est pas pour l’ouvrage que vous vous êtes fâchés ! C’est à cause de la Mariche, que je te dis ! Figure-toi, Séverin…

— Ne l’écoute pas ! cria Auguste ; elle est plus vicieuse qu’une bique ; et puis, elle fera bien de tenir sa langue, parce que je sais des choses, moi aussi, et je pourrais nommer ses amoureux.

Il avait pris la lanterne pour aller voir aux bœufs ; l’étable étant séparée de l’écurie par une petite grange, les deux autres restèrent dans l’obscurité.

Et tout de suite Séverin fut très gêné. Cette Delphine, si malicieuse et si fraîche, avait éveillé en lui un trouble charmant ; il lui en voulait, par exemple, d’avoir des amoureux. Il faisait très noir et il ne la voyait qu’à peine, bien qu’elle fût accotée au coffre tout près de lui. Elle ne parlait pas et lui aussi cherchait en vain des mots ; elle devait le trouver bien sot : et pourtant, quoi dire après ce silence déjà long ?

Il se pencha et il sentit qu’elle se reculait un peu ; alors, brusquement, sans trop savoir ce qu’il faisait, il la souleva de terre et il posa ses lèvres au hasard, dans le cou, sous les cheveux tièdes, et il appuya bien fort.

Elle eut un rire étouffé d’enfant chatouilleux ; puis