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— C’est bien ! dit-elle, puisque tu ne m’as rien apporté, je garderai ton cahier.

Elle l’ouvrit malgré Séverin ; un titre énorme flamboyait à la première page.

— Des chansons ! Nous allons nous amuser.

Il contenait, ce cahier, des chansons patriotiques, des complaintes, puis d’extravagantes ordures. Chaque soldat en avait un semblable à la caserne. Pendant les longs dimanches désœuvrés, les savants de la compagnie y écrivaient à tour de rôle et signaient au bas des pages au milieu d’un beau paraphe.

Delphine tourna quelques feuillets, puis brusquement fit la moue, et, très rouge, lança le cahier sur la table.

— Canette, dit Bernou, va avec ta mère faire le lit dans l’écurie.

La jeune fille sortit. Auguste, très éveillé, avait ramassé le cahier ; malgré sa curiosité, il dut le fermer car il lisait mal l’écriture. D’ailleurs, Séverin lui présentait la belle pipe à tête de Turc.

Ils fumèrent lentement ; la torpeur qui précède le sommeil pesait sur Séverin ; les cris de la chambrée, le brouhaha de l’appel lui manquaient sans qu’il s’en rendît bien compte.

— Nous devrions nous coucher, dit Bernou ; tu dors déjà, mon gars.

— C’est vrai, patron ; il me semble que j’ai la tête vide ; comme c’est tranquille, ici !

Delphine justement revenait avec la lanterne ; son frère se leva et ils conduisirent Séverin dans l’écurie où était dressé le lit du valet.