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lourde coiffe, entraient aussi et coulaient vers le galant attablé un regard rapide et sournois. Quelques unes plaisantaient avec les hommes et montraient gaiement la franche hardiesse de leurs yeux luisants. Bien qu’elles le regardassent beaucoup, elles ne s’adressaient pas à Séverin, qui était devenu étranger durant cette longue absence.

Lu’, parlait peu, s’effaçait. Ayant commencé une partie, il ne s’occupa plus que de ses cartes. Une épaisse buée encrassait les carreaux de la fenêtre en face de lui ; au dehors, la pluie tombait. Il s’attarda dans cette auberge à jouer et à manger des fouaces très dures qui lui rappelaient un peu les biscuits du régiment.

Enfin, vers quatre heures, il partit. Malgré le vin qu’il avait bu, il était triste et fatigué. Il songeait avec une sorte de jalousie que les amis quittés à Bressuire étaient déjà dans leurs métairies, au milieu des frères et des sœurs qui fêtaient leur retour. Son retour, à lui, personne n’y faisait attention. Jamais dans sa vie d’homme il n’avait souffert de son isolement avec autant de violence. Il se recorda de nouveau la bonté de sa mère, la pauvre Pâturelle morte de la toux au temps de la guerre. Morte, la mère si douce, mort, le petit Désiré si triste d’être au monde, mort aussi le père, si dur au mal et si ingénieux pour les siens. Il n’avait plus que Victorine, et Victorine non plus n’était plus là pour lui faire accueil : elle lui avait fait marquer sur sa dernière lettre qu’elle suivait ses patrons en Vendée. Il ne la reverrait pas avant la Toussaint.

Sous la pluie fine, Séverin marchait lentement, un