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avant, était morte de ses douleurs : Victorine et Séverin restaient seuls.

Les deux enfants eurent beaucoup de chagrin ; ils aimaient leur père, malgré sa brusquerie ; surtout ils étaient effrayés d’être orphelins. Le soir de l’enterrement, quand Séverin fut dans l’écurie où était son lit, il pleura longtemps. Vers minuit, la fatigue l’emportant, il s’endormit d’un sommeil de plomb ; mais à trois heures, le patron le réveilla, car on était en septembre, et il n’y avait pas de temps à perdre pour les semailles.

Deux ans plus tard, le jeune homme changea de ferme, sous prétexte de gagner plus d’argent. À la vérité, il n’aimait pas cette maison où on lui avait fait une enfance rude et sans amitié. Il entra comme farinier chez Bernou, le meunier de la Petite-Rue ; il y resta deux ans, puis partit au service.

Il passa quatre années au régiment, quatre années pendant lesquelles il travailla modérément et mangea à sa faim. Il s’y ennuya d’abord ; on l’avait désigné malgré lui pour être clairon et le tambour-major l’avait un peu bousculé.

Ce tambour-major était une brute très simple. Pas méchant au fond, facile à carotter, il se rehaussait devant les recrues par des propos d’une obscénité compliquée auprès desquels les plaisanteries de la chambrée semblaient ingénues comme l’eau des rochers. Cette éloquence répugnante inquiétait d’abord les jeunes gens venus tout droit des campagnes profondes ; ils souriaient lâchement sans bien comprendre. Puis, peu à peu, ils n’y prenaient plus garde, accep-