Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’étaient pas tous des paresseux comme le disaient les riches qui ne travaillent jamais et, après eux, les gens qui n’entendent rien aux choses de la campagne. Il y avait parmi ces émigrants des jeunes hommes courageux qui partaient à regret ; et ce qui les effrayait et ce qui les faisait fuir, ce n’était pas l’existence trop calme, les journées trop remplies de labeur obstiné, c’était bien plutôt la certitude de ne jamais profiter de leur peine, c’était la dureté inconsciente des gens qui possédaient la terre.

Les valets qui restaient n’étaient donc pas toujours les meilleurs et les fermiers avaient grand’peine à trouver des compagnons à la fois intelligents et vaillants de corps. Séverin ne manquerait jamais d’ouvrage ; il était tranquille de ce côté.

Enfin, les deux bessons commençaient à lui apporter leur petit gage ; il allait payer ses dettes. Bientôt avec les cinq enfants qui poussaient, il recevrait une belle somme à la Toussaint.

Mais le malheur pouvait passer encore… Il y avait aussi cette Georgette qui savait trop de choses et que les gamins suivaient déjà dans l’espérance de mauvais jeux. Quand les mères sont mortes, les filles sont un gros tracas.

« Ton plus mauvais temps est passé. » Ce qui était passé, c’était sa fierté et aussi un peu son courage. Il était las. Cela ne lui faisait rien d’être à peu près sûr de gagner sa vie. Ding ! don ! Ding ! don ! La chanson des vieux jours cabotait en son cœur ; toute sa pensée était en arrière, vers celles qu’il avait aimées