Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Voyons ! en voilà des histoires ! Justement il n’y avait pas de poule aux Arrolettes, et pourtant ça presse… alors je trouve ce chapon sur la route ; il était égaré, perdu ; les chiens l’auraient mangé… je l’ai ramassé, pardi ! le mal n’est pas grand…

— Tais-toi ! fait la vieille femme.

— Peut-être bien qu’il était aux Magnon ; si c’est vrai, tant mieux ! des gens si riches et si mauvais ! des gens qui vous ont empêchée jusqu’à cette année d’avoir votre rente de la commune…

— Tais-toi !

— Et puis, on est si malheureux !

— Tais-toi ! tais-toi !

— Ces derniers temps ont été si durs… Oh mère ! si vous saviez !

Il ajoute mollement, sentant bien que pour une ancienne endurcie dans l’honnêteté ce sont là de pauvres paroles :

— Quand on a des enfants qui meurent de faim, on a bien le droit de prendre ce que les autres ont de trop.

La Bernoude, indignée, lève sa canne ; elle frapperait !

— Tais-toi, Pâtureau ! tu parles mal ! Quand on est dans la misère, on demande, il n’y a pas de honte à cela. Ah ! tu n’avais pas trouvé de poule aux Arrolettes ? Eh bien ! fallait aller ailleurs. Demain matin, à l’aubette, j’irai en chercher une, moi, et je la trouverai puisqu’il le faut, devrais-je faire de mon pied tout le tour de la paroisse et me jeter à genoux dans toutes les maisons ! Et l’idée ne me viendra point de voler,