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CHAPITRE VI

LA POULE


C’était un soir d’avril ; la nuit était tombée depuis un moment déjà. Séverin, sa journée faite, revenait aux Pelleteries. Il se hâtait parce qu’il était inquiet de sa fille.

Elle touchait à sa fin, la pauvre Bas-Bleu. Quand son père la levait pour qu’on pût faire le lit, elle ne pesait pas plus sur ses bras qu’un petit enfant. Elle ne prenait presque plus de nourriture ; on avait droit chez le boucher à un peu de viande, mais, de cette viande-là, elle n’en voulait pas. Des voisines charitables fricassaient de temps en temps pour elle un poulet bien tendre ; elle en mangeait un petit morceau avec appétit, puis il fallait enlever le reste qui lui répugnait.

La veille au soir, comme son père s’efforçait de lui faire prendre un peu de lait, elle avait dit de sa voix courte et sifflante :

— Papa, laisse-moi… je ne peux pas avaler ce lait… je voudrais manger de la soupe à la poule…

— Ma fille, si tu voulais, nous irions chercher de la viande chez le boucher ; ta soupe serait plus nourrissante.