Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE V

BAS-BLEU


Bien qu’elle fût chétive et n’eût que treize ans, Bas-Bleu tenait le ménage de son père. Elle faisait les laveries, raccommodait les hardes, trempait la soupe, peignait et débarbouillait les petits. Elle avait beaucoup de peine à faire les lits, surtout celui où elle couchait avec ses sœurs. Elle était obligée de grimper sur une chaise pour arranger la couverture.

Entre tous ses cadets, Georges était son préféré. Elle avait pour lui des soins de jeune mère puérile : elle lui préparait de la soupe à part et lui faisait manger du sucre en cachette. Les autres, parfois, étaient jaloux ; elle les grondait souvent et même les corrigeait ; mais elle le faisait avec tant de naturel qu’ils lui obéissaient mieux qu’à la Bernoude.

Georgette, seule, se rebiffait sous les taloches. Cette Georgette ne ressemblait pas beaucoup à sa sœur ; courte et grosse, jolie néanmoins avec sa tignasse cendrée et ses yeux tachés d’or, elle était la mieux plantée de la famille. En revanche, elle avait toujours eu sa bonne part de sournoiserie ; depuis quatre ans qu’elle allait à l’école, elle en avait appris de toutes les couleurs en compagnie de deux autres fillettes du