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Il y eut entre eux un silence. Elle reprit à mi-voix :

— Quand l’homme est mort, c’est triste ; mais quand c’est la femme, c’est encore pis pour les enfants. Tu ferais bien de te remarier…

Il se retourna :

— Me remarier ! tu es folle ! Et avec qui, bon sang !

Puis il se leva, méfiant. Cette hâte la fit rire.

— Je vois que tu as toujours peur, dit-elle, Tu as tort, ce n’est pas peur moi que je parle. J’ai cinq enfants et pas mal de dettes… nous ferions un triste marché… Si tu venais me le proposer, je dirais comme toi tout à l’heure : « Tu es fou ! »… Et pourtant j’accepterais peut-être, parce que, toi… Enfin, prends garde à ne pas m’en conter !

Elle eut encore une fois son rire roulant de femme grasse, son beau rire qui lui restait de sa jeunesse et qui était comme un timbre clair dans une horloge démolie.

— Tout de même, reprit-elle, cela m’amuse de te voir si peureux. Mon pauvre Séverin ! je suis bien changée, va ! C’est qu’autrefois j’étais un diable ! Aussi, pourquoi ne me voulais-tu pas ? J’étais bien forcée d’être hardie. Et ma foi, à présent, je ne le regrette pas. Ah ! bien non ! je ne le regrette pas !

— Ni moi, dit Séverin ; et cela m’a fait plaisir de te revoir. Maintenant, il faut que je m’en aille, Bon courage, Mariche |

Il lui tendit la main, mais elle se leva et l’embrassa. Puis, elle s’en alla faire un tour à ses cochons ; lui,