Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

louait-il qu’en été pendant les grands travaux. L’hiver, il allait aux carrières, arrachait du genêt, bricolait, gagnant parfois une bonne pièce, car il était ingénieux, mais, le plus souvent, rapportant à peine de quoi payer son tabac à chiquer. Il buvait le plus possible, toutes les fois que cela ne lui coûtait rien. Quand il rentrait ivre, il chantait, et Séverin s’amusait beaucoup ; ou bien il jurait, s’en prenant à tout le monde de sa boiterie et de sa misère, criant des injures à l’adresse des gros métayers, menaçant jusqu’aux bourgeois qu’il mettait au défi de l’empêcher de braconner sur leurs terres. Ces soirs-là, Séverin pleurait et la mère, fermant vite la porte, s’empressait de faire coucher son homme : précautions inutiles, car il tenait aussi ces propos ailleurs. D’autre part, sa réputation de tendeur de lacets et sa mauvaise mine le faisaient mal voir dans le pays.

Cependant, il n’était pas foncièrement méchant, malgré ses sourcils broussailleux ; il était même bon pour les siens ; un fond de droiture native lui faisait scrupuleusement rapporter à la maison tout le produit de sa peine et même les petits bénéfices clandestins du furetage.

Séverin était le premier-né de cette pauvre famille. Il avait trois ans quand naquit sa sœur Victorine ; peu de temps après, vint un petit frère qu’on appela Désiré, bien qu’il fût de trop.

La misère s’était beaucoup accrue à ce moment-là chez les Pâtureau. La mère, vraiment affaiblie, ne faisait plus les laveries des fermes voisines ; elle toussait et se penchait vers la terre. Elle ne put pas nourrir Désiré.